Ce samedi je me promenais tranquillement dans un Paris arrosé de soleil, parcouru de nymphes en mini-jupes au regard arrogant, sillonné de barbares incrédules en mal de baston et de kronembourg, envahi de voitures maîtrisées roulant au pas d'un trafic dense et somnobulant, etc.
Bon je vais arrêter les images vaseuses car elles ne servent plus mon propos quand elles s'engoncent dans la caricature.
Bref, je déambulait sur les trottoirs quand soudain je croisais le … MONSTRE DES ENFERS !
Bon plus précisément enlevons le côté artificiel pour faire une description réelle, juste et impartiale de ce truc improbable sur pattes qui arpentait le bitume parisien un samedi aprèm semi-caniculaire.
Un peu comme si Cerbère et le Chien des Baskerville avait procréé et (avec un peu d'ADN de Ouargs du SdA) avait donné naissance à ce truc au pelage ténébreux et luisant, aux muscles improbables roulant sous la peau, aux yeux rouges (mais vraiment rouge, c'est à dire, injectés de sang !!), aux pattes phénoménales terminés par des griffes qui faisaient "chrcric" à chaque pas de la bête, enfin… bref, un truc énorme que l'on devait utiliser au moyen âge pour dépecer vivant du chevalier en armure +10 monté sur du percheron +50.
Son "Maître" était un mélange de Hercule Poirot et de Mister Magoo (et qui devait peser autant que ma cuisse droite). Bref un petit vieux que l'on aurait plus facilement vu promener un cocker ou un basset, voire un Yorkshire, plutôt que cette machine de guerre vivante que des années d'atavisme et de croisement avaient inéluctablement amené à répertorier les espéces vivantes en 2 catégories : "tuable en 1 coup" ou "tuable en 2 coups".
Mon trajet devait me faire croiser le chemin de ce couple improbable. Considérant que j'aurais les honneurs de la presse quotidienne régionale si je devais me faire dépecer vivant par ledit monstre et que, à tout prendre, au moins j'aurais mon quart d'heure de gloire posthume, je décidais, crânement, de braver la bête et la mort, et de continuer mon chemin comme si de rien n'était. Au moins j'aurais la Légion d'Honneur sur un petit oreiller rouge que l'on déposerait sur mon cercueuil recouvert du beau drapeau tricolore, ainsi qu'une loi à mon nom (loi dite du "Biquet") pour promener ces animaux issus du bestiaire fantastique dans des cages pour grizzli.
A moins de 10 mètres du monstre j'avais envie de me chier dessus, et à moins de 5 mètres je me serais réellement chié dessus si je n'avais pas eu une telle contraction maximale de tous mes muscles mêmes les plus improbables.
A 2 mètres j'en étais à une telle tétanie musculaire que je marchais comme Robocop, alors que les idées les plus saugrenues me passent par l'esprit.
A un mètre le monstre s'arrête, me regarde, baisse ses antérieurs prèt à bondir. En une demi seconde je me dis que je regrette d'avoir été un mauvais fils, de ne pas avoir écrit mon testament, de ne pas avoir appelé mlle X, de ne pas avoir assez bu de champagnes dans ma vie, d'avoir raté plusieurs occasions de faire l'amour avec de jeunes femmes consentantes, de ne pas avoir vu tous les Star Trek, de ne jamais connaître la fin de BattleStar Galactica … quand le monstre …
… Fait un gros caca !!
Le soulagement est tel que j'ai failli faire pareil !!
Stoïque je maintiens mon cap d'un pas martial et dépasse le maître et le monstre (M&M's pour les intimes). J'arrive à un feu rouge qui s'avère être au vert. Je m'adosse dessus en laissant passer le flot automobile et je jette courageusement un coup d'oeil en arrière m'attendant presque à avoir le monstre dans le dos en train de me souffler une haleine galaciale et mortifère dans la nuque.
Nan, en fait le paysage est plus mignon que cela, voire croquignolet.
Le maître du monstre a une petite pelle à caca et il est en train de remplir un sac en plastique avec les excréments de la machine à tuer. Ladite machine à tuer regardant son maître d'un air débonnaire et presque désolé de lui imposer cette corvée aussi humiliante. Le maître repart avec d'une main la laisse de son cerbère et de l'autre le sac en plastique contenant le caca fumant de son royal canin.
Passé le moment d'angoisse une irrépressible envie de rire me secoue (les nerfs y étaient pour beaucoup, j'avoue).
Un peu plus tard, alors que je continuais a promenade tranquille en appréciant pleinement le chant de oiseaux, les bouquinistes de quai de Seine, les sourires des CRS et les gaz d'achappement des voitures (en me disant que j'ai failli ne plus bénéficier de ses bonheurs simples) je me faisais la remarque qu'il était assez difficile de savoir qui, dans ce couple M&M's, était le maître de l'autre et lequel des deux avaient le plus de servitudes.
Tout à coup, les grand mères avec leurs pékinois insuportables, caniches stupides et autres roquets aboyants me paraissaient d'une douceur inaltérable et le plus agréable et reposants des spectacles.