Il y a quelques temps j’étais invité à une grosse sauterie propre au monde de l’édition. En fait c’était une remise de prix, et j’y allais pour plusieurs raisons : 1) me renseigner, 2) voir une organisation "pro" et (accessoirement) 3) passer une bonne soirée.
Quand je commençais dans ce milieu, ma foi je connaissais personne et surtout j’étais personne. Maintenant la maison d’édition pour laquelle je travaille a un certain succès et une progression conséquente, alors évidemment on me parle plus facilement. Et puis, à force de côtoyer ce milieu depuis … pffff … plus de 5 ans maintenant je commence à connaître certaines personnes, reconnaître des visages et même avoir un réel plaisir à échanger avec certains acteurs du milieu.
Et là cela n’a pas manqué ! Il y avait vraiment pas mal de monde, même je pense que c’était blindé. Un beau succès que cette soirée. Et c’est là que j’ai pu expérimenter le TIG de l’édition. Certes ce n’est pas propre à l’édition mais, comme un peu partout j’imagine, il y a des grossiers, des mufles, des goujats, des gougnafiers. J’ai pu en faire l’expérience. D’abord avec étonnement, puis énervement, enfin avec amusement.
C’est ce que j’ai baptisé le TIG. Et je m’étais promis d’en faire une note de blogue. Le TIG de l’édition c’est le Talent d’Interruption Gougnafier. Illustration du propos. Vous discutez tranquillement, une coupe de champ’ à la main avec un confrère (concurrent mais néanmoins ami), abordant des sujets décousus … bref le small talk par excellence tel que théorisé par nos amis anglo-saxons. Rien de capital mais c’est plutôt sympa et enjoué, la conversation est bonne, le champagne excellent, la compgnie très agréable et le niveau du discours est relativement léger quand soudainement PAF TIG. Un énergumène, quidam quelconque, inconnu de ma sphère rentre dans notre conversation, discute avec votre interlocuteur (qui de facto s’interrompt).
Le truc qui m’a sidéré la première fois c’est le fait d’avoir été royalement ignoré. Un peu le syndrome cloporte ou courant d’air. Une sorte de mépris insuportable. Le côté "je m’excuse pas – de toute façon t’es rien – moi chuis important – etc." Ce quidam parfaitement grossier ou persuadé de son importance, une fois qu’il a terminé son "message" qui ne souffre donc ni délai, ni excuse, ni considération s’en va de la même façon. Tel le connard goujat moyen.
Un peu sonné je me retrouve devant mon interlocuteur qui reprend la conversation par un "ou en étions nous ?"
Un peu plus tard je suis en conversation avec une éditrice que j’aime beaucoup et pour laquelle j’ai une certaine admiration. Et ben paf re-TIG. Un trou du cul moyen infatué de sa position nous interrompt, m’ignore somptueusement avec une attitude quasi dédaigneuse. Là je passe en phase "je vois tout rouge" Putain mais c’est qui ce macaquae qui n’a même pas la correction de présenter des excuses, demander une autorisation, dire "pardon, désolé." Je regarde ma ixième coupe de champ’. Malheureusement elle est vide donc cela exclut la possibilité de lui renverser sur la tête. Même si c’est VRAIMENT un personnage important, ou même si il a quelques chose d’extrêmement important à dire à mon interlocutrice je ne vois vraiment pas pourquoi cela le dispense d’un "excusez-moi, j’en ai pour une minute".
Fin de ce deuxième TIG … Je suis un peu sonné et légèrement affreusement bougon. Je fais plusieurs réflexions amères et peu amènes ! D’un autre côté je bénis ma maman de m’avoir donné cette éducation un peu suranné qui met la politesse et la galanterie comme un savoir-vivre essentiel de la vie de tous les jours.
Evidemment le corrollaire à cette situation c’est que je ressens encore plus l’impolitesse, l’indélicatesse chez les autres. Mais là, en l’ocurrence plus que de l’impolitesse c’est du mépris. Et là c’est particulièrement désagréable. Etre ignoré de manière aussi flagrante confine à l’insulte pas à la faute de goût.
Un peu plus tard je me retourne vers un ami qui se trouve à cette même soirée et, justement, j’aborde ce sujet … et je le développe (pour ma future note de blogue). Quand – devinez – paf re-re-TIG. Un branquignole quelconque convaincu de sa propre importance m’interrompt en m’ignorant pour parler à cet ami. Ce qui me paraît amusant est que l’interruption se fait à peu près en même temps ou j’expose ma théorie du TIG. Un peu comme l’illustration de mon propos, justement fort à propos.
Cette ironie n’échappe pas à cet ami qui répond acvec un certain sourire en coin à mon Gougnafier Interrupteur Talentueux (car avoir autant de suffisance, d’aplomb c’est un talent j’en suis persuadé ; un don même). Evidemment une fois que notre butor se casse vers d’autres cercles de conversation à interrompre je reprends la conversation initiale d’un "putain, tu vois, mais c’est pas croyable."
Et là j’ai une réponse dont d’ailleurs j’étais quasiment sûr. Ces mecs (en l’occurence c’était que des mecs) ne sont pas importants, et la seule importance qu’ils ont c’est celle qu’ils se donnent ou qu’ils sont persuadés d’avoir. Bien noté !
J’attends avec une certaine impatience mon prochain TIG ! Parce que celui-là je vais le recevoir !!